Centrales nucléaires : les rivières trinquent durant l’été

Cet été, de nombreux départements sont touchés par la sécheresse, conséquence : la faune et la flore des rivières souffrent davantage des rejets d’eau chaude des centrales nucléaires. La migration de certaines espèces comme les truites ou les saumons en est perturbée. Des problèmes qui risquent fort de s’aggraver dans les années à venir avec le réchauffement climatique. Pour EDF, qui doit préserver ses intérêts financiers, la protection des écosystèmes aquatiques n’est pas une priorité.

Des centrales nucléaires gourmandes en eau

Une centrale a besoin d’eau en permanence pour évacuer la chaleur produite par la réaction nucléaire, et ce même à l’arrêt, deux méthodes sont utilisées en fonction de l’eau disponible sur le dite d’exploitation :

  1. Refroidissement en circuit ouvert : en bord de mer ou sur les cours d’eau à fort débit, les centrales fonctionnent en circuit « ouvert ». Chaque réacteur prélève près de 50 m3/seconde pour ses besoins en refroidissement. L’eau est ensuite rejetée à une température plus élevée. C’est le cas, par exemple, à Fessenheim.
  2. Refroidissement en circuit fermé : sur les cours d’eau où le débit est plus faible, les centrales fonctionnent en circuit « fermé ». Chaque réacteur pompe près de 2 à 3 m3/seconde dont une partie s’évapore dans les tours de refroidissement, formant le panache blanc caractéristique. Le reste est ensuite rejeté.

En 100 ans la température du Rhin a augmenté de 3°C

Ces rejets d’eau chaude ne font pas le bonheur des milieux aquatiques. En 100 ans, la température du Rhin a augmenté de près de 3°C (lire : Fessenheim réchauffe dangereusement le Rhin), notamment à cause de la centrale de Fessenheim. Ces rejets thermiques agissent comme une barrière qui réduit considérablement les chances de survie des poissons grands migrateurs, comme les saumons et truites des mers. Leur impact est d’autant plus important en période de fortes chaleurs, avec des fleuves au débit réduit et à la température en hausse.

La loi ne s’applique pas

La loi fixant des limites au réchauffement des fleuves, EDF peut se voir contrainte de réduire la puissance de certains réacteurs  et pourrait théoriquement être conduite à les arrêter en cas de trop forte chaleur. Mais il faut bien faire tourner les climatiseurs, et tout arrêt de réacteur représente un manque à gagner d’un million d’euros par jour pour EDF… si bien que l’électricien n’a jamais cessé d’intervenir pour modifier la législation et obtenir des dérogations !

Ainsi, pendant la canicule de 2003, un grand nombre de centrales nucléaires ont bénéficié de dérogations successives. Dans les années suivantes, chaque centrale a eu droit à une réglementation ad hoc plus souple, avec par exemple une température limite en aval à ne pas dépasser basée sur une moyenne de 24h. Et si, en cas de « canicule extrême et nécessité publique », les limitations habituelles ne peuvent être respectées, un décret de 2007 autorise à modifier encore les conditions de rejets thermiques ! Les poissons apprécieront…

Une pollution chimique et radioactive accrue en cas de sécheresse

En temps normal, les sites nucléaires sont autorisés à rejeter dans l’eau d’importantes quantités de substances radioactives comme le tritium et le carbone 14 qui s’accumulent dans la végétation aquatique. Mais la pollution est surtout chimique : bore, hydrazine, phosphate, détergents, chlore, ammonium, nitrates, sulfates, sodium, métaux (zinc, cuivre…).. La chaleur favorisant la prolifération des amibes, EDF a tendance à utiliser encore plus de produits chimiques en été, notamment pour éviter que les tours de refroidissement se transforment en foyers de légionellose. Or lorsque le débit des cours d’eau se réduit, la concentration des substances polluantes augmente.

Plus il y a de centrales nucléaires le long : plus il y a de rejets. Le Rhône et la Loire refroidissent respectivement 14 et 12 réacteurs. Selon des études d’EDF, si plusieurs sites procédaient simultanément à des rejets chimiques en période d’étiage sévère de la Loire, leur impact cumulé serait désastreux pour l’environnement. La législation impose aux centrales situées sur le même bassin versant de se concertent entre elles avant d’effectuer ces rejets, mais les agents de la centrale nucléaire de Belleville (Cher), interrogés en 2014, étaient incapables de dire si et comment EDF mettait en oeuvre cette concertation au niveau local et national !

Certes, en-dessous d’un débit particulièrement bas, les rejets chimiques dans les cours d’eau sont interdits. Ces substances sont alors stockées dans de grands réservoirs en attendant des conditions plus propices. Mais ces stockages précaires ne permettent de tenir que quelques semaines. Bien que la situation ne se soit encore jamais présentée, EDF pourrait être contrainte d’arrêter les centrales si la sécheresse perdure alors que ces réservoirs sont pleins. Dans tous les cas, ces substances seront relarguées plus tard dans l’année. Or un grand nombre de communes prélèvent leur eau potable dans les cours d’eau, comme Agen (Lot-et-Garonne), à seulement 20 km en aval de la centrale nucléaire de Golfech. Et bien des agriculteurs utilisent cette eau polluée pour arroser leurs cultures…

Des nuisances croissantes avec le réchauffement du climat

Le changement climatique promet la multiplication des épisodes extrêmes (notamment sécheresses et canicules) et risque d’aggraver la pression sur les cours d’eau. Plutôt que d’accumuler dérogation sur dérogation au mépris des écosystèmes aquatiques, EDF ferait mieux de se rendre à l’évidence : à terme, bon nombre de centrales ne pourront plus produire d’électricité. Des études prédisent une baisse de débit d’étiage des fleuves de 20 à 40 % d’ici à 2050, mais il ne sera sans doute pas nécessaire d’attendre cette date. En effet dès 1995, les commissaires-enquêteurs en charge de l’enquête publique pour la centrale de Civaux avaient émis un avis défavorable, estimant que les rejets prévus n’étaient pas compatibles avec le débit de la Vienne.

Les centrales côtières, quant à elles, seront confrontées à un autre problème : certaines risquent d’être menacées par la montée des eaux, comme Gravelines (construite sur un polder) ou le Blayais (déjà inondée lors de la tempête de 1999).

Sources  : 

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