Une neuropsychologue explique pourquoi les câlins sont indispensables

Le câlin est un geste simple qui permet de montrer son affection. Mais bien au delà de cette fonction sociale, le câlin répond à un besoin, pas seulement à une envie. Enlacer quelqu’un est en fait bien moins anodin que l’on pourrait le penser. La neuropsychologue Céline Rivière s’est penchée sur le câlin, elle en révèle les bienfaits.

Une neuropsychologue explique pourquoi les câlins sont indispensables

Des propos recueillis par Charline Vergne pour psychologies.com

Pourquoi les câlins nous font du bien ?

Céline Rivière : La première raison, c’est qu’un câlin va libérer une hormone : l’ocytocine. On l’appelle hormone de l’attachement, ou hormone du bonheur. Cela se produit dès que l’on prend dans ses bras, ou que l’on est pris dans les bras de quelqu’un pendant au moins vingt secondes. Produite par le cerveau, elle a un effet d’apaisement et engendre une sensation de bien-être immédiat. Elle fonctionne lorsque l’on est en état de calme et de plénitude. C’est bien évidemment le cas lors d’un câlin, mais cela peut aussi se produire lorsque vous êtes allongé sur une plage au soleil ou quand vous méditez. C’est l’antagoniste de l’hormone du stress, le cortisol. Mais ce n’est pas seulement une question hormonale. Les câlins nous font du bien car ils nous renvoient au tout petit enfant que nous étions. Celui qui est câliné, pris dans les bras de quelqu’un, en sécurité. Et lorsqu’une personne nous adresse un geste assimilable à de la bienveillance et à de l’amour, on est envahi par un sentiment de bien-être.

Que disent les recherches en neuroscience ?

Céline Rivière : Elles éclairent le rôle des neurones miroir. Quand l’autre en face de nous réalise une action, cela éveille la même chose en nous au niveau de notre activité neuronale. Par exemple, si je vois quelqu’un se gratter ou bailler, je vais avoir envie de faire pareil. De la même manière, si je vois quelqu’un arriver vers moi pour me prendre dans ses bras, je vais ressentir quelque chose de l’ordre de la bienveillance, du positif. Je serai en confiance.

Au niveau de la peau, les corpuscules tactiles – des petits récepteurs – nous permettent d’envoyer un message au cœur pour lui indiquer le bien-être que l’on ressent lorsque l’on est touché. On se sent alors beaucoup plus apaisé.

Qu’est-ce que l’on entend exactement par câlin ?

Céline Rivière : Un câlin, c’est prendre complètement l’autre dans ses bras. Cela n’a absolument rien de sexuel. C’est se mettre contre l’autre, dans sa chaleur, contre son cœur.

Les câlins favorisent-ils les liens sociaux et sont-ils efficaces face au stress ?

Céline Rivière : Exactement. Lorsque l’ocytocine est activée, on va beaucoup plus vers l’autre, on a moins peur. On se sent moins seul aussi, être touché c’est ne pas être seul. C’est le cas avec les Free Hugs. Même si la durée du câlin ne dure qu’un court instant, pendant ce temps-là, on se sent reconnecté à quelqu’un. C’est ainsi un antidépresseur naturel.

Pourquoi est-ce si difficile, dans notre société, de prendre quelqu’un dans ses bras ?

Céline Rivière : Parce que l’on a peur de sa réaction. Ce n’est jamais facile d’aller vers l’autre, on a toujours l’impression qu’il peut nous rejeter. Or, être rejeté, c’est ce qu’il y a de pire.

C’est pour cela qu’il est parfois plus facile de câliner un animal. On ne craint pas qu’il puisse le faire. Et si au bout d’un moment cela suffit , ils s’en vont, c’est notamment le cas avec les chats, nous ne pensons pas que c’est grave. Ce n’est pas parce qu’ils nous jugent, mais seulement parce qu’ils en ont reçus suffisamment.

Que l’on fasse ou que l’on reçoive un câlin : le fonctionnement est le même ?

Céline Rivière : Oui, parce que l’on est dans le partage, dans l’échange. Quand on donne un câlin, on reçoit de l’autre.

Est-il vrai que ce simple geste a un effet sur le système immunitaire ?

Céline Rivière : Oui, une étude a été menée par une équipe de chercheurs américains de l’Université Carnegie Mellon à Pittsburgh. Elle a révélé que l’on est moins enrhumé, moins touché par la grippe et tous ces petits virus qui s’attrapent en hiver, lorsque l’on est touché, câliné.

Et face à certaines maladies, telles que l’autisme ?

Céline Rivière : Les autistes ont un problème avec le toucher et le regard. Pour rééduquer  cela, on peut notamment passer par les animaux, car le contact est souvent beaucoup plus facile qu’avec les humains. Cet échange va produire l’ocytocine. On le fait beaucoup avec des chevaux ou des chats car ce sont des animaux qui ne cherchent pas le regard, contrairement à nous. Ils en savent beaucoup plus que nous sur la manière de se comporter avec les autistes. Chez eux, c’est instinctif.

Câliner un proche ou un inconnu procure-t-il les mêmes bienfaits ?

Céline Rivière : Pas les mêmes, mais dans tous les cas on en tire des bénéfices. Avec les Free Hugs, on partage l’idée selon laquelle on va être dans un état de bienveillance. C’est un câlin qui va englober l’autre. Mais on peut se sentir bien dans les bras de quelqu’un et pas dans ceux d’un autre.

L’échange fonctionne au niveau des énergies de chacun. Quelque part, il y a un côté magique que l’on n’explique pas…

Les câlins sont-ils indispensables ?

Céline Rivière : Ils le sont dès les premières secondes de la vie. D’ailleurs, dans les unités de prématurés, on s’est rendu compte que les enfants prennent 50% de poids en plus lorsqu’ils sont touchés. C’est pour cela que maintenant, on va tout de suite mettre le bébé qui vient de naître en peau à peau avec sa maman. C’est ce qui permet d’établir le contact.

Pour obtenir des bénéfices réguliers, à quelle fréquence devrions-nous faire des câlins ?

Céline Rivière : Tous les jours. Pour un enfant, cela ne semble pas énorme, contrairement à l’adulte qui a grandi avec des peurs et qui craint d’être rejeté. Cela ne signifie pas pour autant que l’on n’a pas envie d’en donner et d’en recevoir, c’est juste que la plupart du temps on n’ose pas. Il nous faut briser ce tabou et ouvrir des barrières. Autre point, il faut savoir que le câlin doit durer au moins vingt secondes pour pouvoir libérer l’ocytocine. Et comme il dure en moyenne trois ou quatre secondes chez l’adulte, on va multiplier les câlins. Cinq par jour ce serait idéal.

Quels conseils en tirer dans notre vie quotidienne, familiale, amoureuse ?

Céline Rivière : Au fond, plus on touche mieux on est. Il existe une corrélation entre le nombre de câlins que l’on donne et reçoit chaque jour, et la longévité des couples. Donc, si vous voulez avoir une relation qui dure et qui soit dans la sérénité, il faut se toucher. C’est la même chose avec les enfants : plus tôt on leur fait des câlins, plus ils se sentent en sécurité. En plus cela favorise leur apprentissage. Pour eux comme pour nous, plus on se sent en sécurité, plus on est disponible pour laisser notre intelligence s’exprimer, apprendre et comprendre.

Source : psychologies.com

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